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mardi 18 octobre 2016

Sabra et Chatila, trente ans après

En septembre 1982, les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila situés à l’ouest de Beyrouth sont le théâtre d’un massacre perpétré par l’armée israélienne. Retour sur ces évènements qui couteront la vie à des milliers de personnes.



Le chef des catholiques, Benoît XVI, vient d’arriver à Beyrouth. Quand il a quitté l’aéroport, pour se rendre dans la capitale du Liban, il a emprunté la route parcourue, il y a tout juste trente ans, par un convoi de véhicules fournis par l’armée israélienne transportant des miliciens chrétiens membres des Phalanges libanaises. Comme eux, il a traversé le rond-point de l’ambassade du Koweit où se trouvait, juste à côté, un immeuble de 7 étages au sommet duquel l’armée israélienne, qui encercle les camps de Sabra et Chatila voisins, avait installé son quartier général. Comme eux, il a longé la cité sportive sous laquelle sont ensevelis des centaines de corps de Palestiniens.
Il est étonnant que la presse passe totalement sous silence que la visite du pape à Beyrouth coïncide avec le 30e anniversaire du massacre de milliers de Palestiniens vieillards, femmes, enfants dans les camps de Sabra et Chatila. Un massacre perpétré par les milices chrétiennes. Un massacre qui fut rendu possible grâce à la complicité active de l’armée israélienne. C’est dire la place insignifiante que le sort des Palestiniens occupe aujourd’hui dans la plupart des esprits occidentaux.
Devant une telle négation d’un passé qui, pour les Palestiniens et leurs amis, ne passe pas, il m’apparaît nécessaire, dans le cadre d’une indispensable lutte contre l’impunité des crimes de masse, de rappeler les faits tels qu’ils se sont déroulés il y a trente ans.
Le récit qui va suivre est le résultat d’une enquête effectuée entre 1999 et 2006. Je me suis rendu à quatre reprises au Liban. J’ai rencontré des survivants du massacre et des témoins occidentaux des évènements, en particulier du personnel médical de l’hôpital de Chatila. J’ai rencontré des journalistes et des chercheurs universitaires libanais et occidentaux. J’ai eu accès aux archives de plusieurs journaux libanais ainsi qu’à des documents confidentiels israéliens. J’ai relu le récit émouvant de Jean Genet, sur place quelques heures après les faits. J’ai lu tout ce qui a été publié sur le sujet au Liban, en France, aux Etats-Unis et en Israël. Les travaux sur l’origine d’Israël de ceux qu’on appelle les « nouveaux historiens israéliens », qui étudient les archives rendues publiques depuis 1978, ont été également très éclairants. Comme les travaux de la Commission MacBride sur les violations du droit international par Israël
Rappelons le contexte historique. En 1947, le peuple palestinien et les Etats arabes n’acceptent pas le plan de partage décidé à l’Assemblée générale des Nations Unies qui permet d’amputer la Palestine au profit de la création d’un Etat israélien. Car, contrairement à une propagande diffusée dans le monde entier par les organisations sionistes, la Palestine n’était pas « une terre sans peuple pour un peuple sans terre ».  Il y avait un million deux cent vingt-cinq mille Palestiniens sur cette terre en 1947.
Ce que nous apprennent les nouveaux historiens israéliens, c’est que leur pays est né d’un terrible nettoyage ethnique provoqué par la terreur suscitée par de multiples massacres de populations palestiniennes. Pour la seule période qui va de novembre 1947 à juin 1948, 400.000 Palestiniens fuient leur pays suite aux opérations de l’armée juive et des groupes terroristes juifs dont le tristement célèbre massacre de Deir Yassin, un Oradour palestinien. Une fois l’Etat d’Israël proclamé, son armée va poursuivre la même politique d’expulsion en application d’un programme appelé Plan Daleth. Un an après, il n’y a plus que 160.000 Palestiniens sur le territoire de l’Etat hébreux. Qui donc, sauf Hilary Clinton, blâmerait les Palestiniens d’appeler cette tragédie une catastrophe (Nakba, en arabe) ?
En 1948, ceux qui fuient vers le Liban, sont au nombre de 120.000. Ils seront rejoints en très grand nombre après la guerre israélo-arabe de 1967 et après l’expulsion de Jordanie de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) en septembre 1970. En 1982, année des massacres de Sabra et Chatila, ils sont environ 250.000 répartis dans 14 camps. Le camp de Chatila a été créé fin 1948. Celui de Sabra, contigu, en 1949. En 1982, ils comptent environ 90.000 habitants.
Au Liban, la guerre civile fait rage depuis 1975. Le pays est dans une situation chaotique. En schématisant une situation d’une extraordinaire complexité (les cinq communautés musulmanes : chiites, sunnites, druzes, ismaéliens, alaouites qui représentent 59 % de la population ; les chrétiens qui se composent de six communautés catholiques, de trois communautés orthodoxes, des assyriens, des coptes et des protestants qui forment ensemble 39% de la population du Liban), on peut indiquer que deux camps s’opposent : les chrétiens qui veulent le départ des Palestiniens et surtout des fedayins, les combattants de l’OLP et les musulmans qui les soutiennent.
Parmi les plus radicaux du côté chrétien, un parti politique très militarisé, les Phalanges (Kataëb, en arabe) créées en 1936 sur le modèle fasciste par Pierre Gémayel. Elles sont dirigées par son fils cadet Beshir qui a fédéré autour des Kataëb toutes les milices chrétiennes. Elles ont à leur actif un grand nombre de massacres de Palestiniens depuis le début de la guerre civile.
La Syrie, qui n’a jamais accepté la création du Liban, intervient directement en soutenant tantôt les uns, tantôt les autres. En Israël, Ariel Sharon est ministre de la Défense d’un gouvernement présidé par Menahem Begin, l’ancien chef du groupe terroriste responsable du massacre de Deir Yassin. Sharon a un passé militaire jalonné de son implication dans des massacres : à Qibya en Jordanie, au col de Mitla dans le Sinaï, dans la bande de Gaza,… Begin et Sharon partagent un rêve : détruire l’OLP dont le commandement et le principal des forces se trouvent au Liban, chasser la population palestinienne du Liban vers la Jordanie (avec ce slogan « La Jordanie, c’est la Palestine »), soutenir les forces politiques et militaires chrétiennes au Liban. Depuis 1976, Israël soutient des milices chrétiennes dans le sud du Liban, mais également les milices phalangistes au nord de Beyrouth. Armes et munitions sont fournies. Des unités phalangistes et des équipages de blindés sont formées en Israël. De multiples opérations sont conduites par la marine et l’aviation israéliennes contre des objectifs libanais. En réaction aux attaques palestiniennes à partir du Liban, Israël envahit le sud du Liban en mars 1978, mais doit se retirer trois mois plus tard sous la pression internationale.
Dès qu’il a été nommé ministre de la Défense en août 1981, Sharon a fait préparer un plan d’invasion du Liban. Celle-ci doit atteindre 4 objectifs : détruire l’infrastructure politique et militaire de l’OLP, provoquer le retrait des Syriens, protéger le nord d’Israël de toute attaque, établir une alliance avec les chrétiens en vue de la formation d’un gouvernement libanais qui signera la paix avec Israël.
A partir de janvier 1982, Sharon rencontre à dix reprises Beshir Gemayel. Ils se mettent d’accord sur la nécessité de faire partir les populations palestiniennes du Liban. Gemayel déclare : « il faudra plusieurs Deir Yassin ».
Le 6 juin, Israël envahit le Liban. La ville de Beyrouth et les camps palestiniens vont subir pendant les mois qui suivent des bombardements incessants. A la mi-juin Beyrouth est encerclée et à la fin du mois, Beyrouth ouest (où se trouvent les camps) est coupée du reste du pays.
Le 7 août, Philip Habib émissaire du gouvernement américain obtient, après de longues et difficiles négociations l’adoption par toutes les parties d’un plan qui prévoit
  • l’évacuation des combattants de l’OLP vers d’autres pays,
  • le désarmement de toutes les milices libanaises,
  • l’interdiction de l’entrée des forces israéliennes dans Beyrouth ouest,
  • la garantie américaine pour la sécurité des populations civiles palestiniennes restées dans Beyrouth ouest après le départ des combattants de l’OLP,
  • la présence d’une force multinationale pour faciliter la réalisation du plan.
Philip Habib s’engage par écrit à ce que la population civile palestinienne ne soit pas inquiétée.
Le 21 août, alors que l’armée israélienne occupe les deux tiers du Liban, Sharon et Gemayel se mettent d’accord pour que les Phalanges nettoient les camps palestiniens. Le 23 août Beshir Gemayel est élu président de la République par le parlement libanais réuni dans un bâtiment gardé par l’armée israélienne. Il doit prendre ses fonctions le 23 septembre.
Alors que les contingents français, américains et italiens de la force multinationale se déploient, les combattants de l’OLP commencent à quitter Beyrouth par la mer. Le 30 août, Yasser Arafat et l’état-major de l’OLP s’en vont à leur tour. Le 1 septembre, l’évacuation de plus de 14.000 soldats palestiniens est terminée.
En violation du plan Habib, l’armée israélienne entre dans Beyrouth ouest le 3 septembre. Alors que la force multinationale doit rester à Beyrouth jusqu’au 26 septembre, les Américains se retirent le 10, les Italiens le 11 et, malgré l’insistance de personnalités libanaises, les Français partent à leur tour le 14.
Le 12, Sharon déclare « il reste 2.000 terroristes cachés dans les camps ». Le même jour, il rencontre Gemayel pour la dixième fois depuis janvier. Un accord formel est passé pour confier aux Phalanges le soin de nettoyer les camps et de créer les conditions qui inciteront la population civile palestinienne à fuir le Liban. Cet accord prévoit que les Phalanges agiront une fois Gemayel investi dans ses fonctions de président le 23 septembre.
Le 14 septembre, à 16H, une explosion détruit le quartier général des Phalanges où se trouve Beshir Gemayel. A partir de 18H, on observe à l’aéroport de Beyrouth, sous contrôle israélien, un pont aérien amenant soldats et matériel.  A 20H30, Sharon et le chef d’état-major des forces israéliennes Rafael Eytan décident de faire entrer dans Beyrouth ouest les phalangistes dont le chef vient de mourir dans un attentat. Les massacres vont commencer.

Sabra et Chatila, peuplés de 90.000 civils, ont subi des bombardements répétés depuis l’invasion israélienne du Liban, le 6 juin 1982. Du 1 au 12 août, l’aviation israélienne largue des bombes à fragmentation. 20% des maisons sont totalement détruites et 70% sont très largement endommagées. Les deux hôpitaux  ont été visés: l’hôpital Gaza, à la lisière Nord de Sabra et l’hôpital Akka à la lisière Sud de Chatila. Ces hôpitaux fonctionnent davantage comme des centres d’urgence. Dans le personnel, outre des Palestiniens et des médecins de pays du Proche-Orient et du Moyen-Orient, on trouve des chirurgiens, des médecins, des infirmier(e)s et des travailleurs sociaux d’Allemagne, de Finlande, de France, de Grande-Bretagne, d’Irlande, de Norvège, des Pays-Bas, de Suède, de Suisse et des USA.
La première partie de mon rappel des faits se termine le 14 septembre 1982 lorsque le chef des Phalanges chrétiennes libanaises est tué dans un attentat et que Sharon invite les Phalangistes à pénétrer dans Beyrouth ouest où se trouvent les camps.

Voici maintenant le récit de la première journée des massacres, le mercredi 15 septembre.


peu après zéro heure : le Premier Ministre israélien, Menachem Begin et le Ministre de la Défense, Ariel Sharon, décident de faire entrer l’armée israélienne dans Beyrouth ouest. Cette opération est baptisée « Cerveau de fer» [Moah Barzel, en hébreu]. Les ordres numérotés 1 à 5 fournissant les instructions pour l’opération sont diffusés entre 00 :20 le 15 septembre et 03 :00, le 16 septembre. Ils précisent que « seules les Forces de Défense Israéliennes (FDI) exercent une autorité  sur les forces en présence dans la zone. » L’opération est officiellement motivée par « le souci d’éviter des effusions de sang et de maintenir l’ordre ».
3H30 : à Beyrouth, Eytan, chef d’état-major des FDI et Drori (commandant de la région militaire nord des FDI qui commande le corps expéditionnaire au Liban) fixent avec Fadi Frem, qui a remplacé Béchir Gemayel comme Commandant en Chef des Phalangistes et Elie Hobeika, chef du service de renseignements des Phalangistes, les modalités de l’opération de « nettoyage des camps » par les Phalangistes. Ceux-ci demandent 24 H pour se préparer. Un mémorandum établit que les Phalangistes vont agir seuls sous le commandement, c’est-à-dire sous la responsabilité et le contrôle, du Commandement Nord et de la 96e Division des FDI, commandée par Amos Yaron. Il spécifie que le contrôle porte sur la présentation et l’approbation des plans d’opération, sur les lignes de communication, sur les écoutes téléphoniques et sur la supervision des activités sur le terrain. Eytan demande qu’un officier de liaison phalangiste soit présent au poste de commandement avancé du brigadier-général Amos Yaron. Celui-ci est installé près de l’ambassade du Koweït, au sommet d’un bâtiment de 7 étages qui surplombe les camps de Sabra et Chatila.
5 H : la 96e Division des FDI pénètre dans Beyrouth Ouest par le Sud, en longeant les camps de Sabra et Chatila sur leur droite et leur gauche. L’autre division des FDI, commandée par Mordechai, pénètre Beyrouth par le secteur Est de la ville et se dirige vers la mer à travers les quartiers résidentiels de Hamra et de Mazraa. Ce faisant, Israël viole le cessez-le-feu du 13 août et le plan Habib auxquels Begin et Sharon ont souscrit. Des chasseurs-bombardiers effectuent des passages à basse altitude. Les FDI ne rencontrent qu’une faible résistance de la part des milices musulmanes et progressistes libanaises (Mourabitoun) et contrôlent rapidement quatre carrefours essentiels pour l’encerclement des camps de Sabra et Chatila : le rond-point de l’aéroport, le carrefour de l’ambassade du Koweït (à 200 m de l’entrée de Chatila), le rond-point Cola et le rond-point Chatila. Aucune résistance organisée n’est perceptible depuis les camps de réfugiés de Sabra et Chatila survolés à basse altitude par des avions de chasse israéliens. Seuls quelques jeunes hommes isolés font feu avec des armes légères sur les FDI. Les 2.000 « terroristes » supposés présents et équipés d’armes lourdes ne se manifestent nulle part…
8 H : Sharon arrive à l’aéroport de Beyrouth. Sur la route vers le rond-point de l’ambassade du Koweït, il est reconnu par des passants palestiniens et libanais.
9 H : sur le toit du poste de commandement avancé israélien, Sharon tient réunion avec Eytan, son adjoint Levi, Yaron, Saguy (directeur du renseignement militaire, l’Aman) et Avi Dudai, son aide personnel. L’ordre de faire entrer les Phalangistes dans les camps est confirmé. Sharon téléphone à Begin et lui annonce « nos forces avancent vers leurs objectifs ; je peux les voir de mes propres yeux ; le porte parole des FDI déclare : «il n’y a pas de résistance». Des chars israéliens tirent néanmoins sur les camps. Sharon, accompagné de Saguy, Navot (le numéro 2 du Mossad) et d’un représentant du Shin Beth (le FBI israélien), se rend ensuite au QG des Phalangistes, dans le quartier Karantineh. Il y rencontre, encore sous le choc de la mort de Béshir Gemayel, Fadi Frem, qui lui a succédé, Elie Hobeika en charge de l’opération dans les camps et Karim Pakradouni, porte-parole des Phalangistes. Ce dernier rapporte que Sharon les a harangués en disant : « Pourquoi pleurer comme des femmes ? Vous devriez vous venger comme des hommes. » Les chefs phalangistes se déclarent prêtes à réaliser ce qui avait été convenu avec Béshir Gemayel. Sharon confirme ce qui a été décidé un peu plus tôt avec Eytan et insiste sur la nécessité d’une action immédiate aux côtés des FDI. Parlant des « terroristes », Sharon déclare : « je ne veux pas qu’il en reste un seul ». Il conseille à ses interlocuteurs de prendre le contrôle de l’Armée libanaise.
11H : Sharon se rend à Bikfaya, toujours accompagné des mêmes personnes. En bras de chemise, il présente ses condoléances à Pierre et Amin Gemayel (le père et un frère du défunt) au moment où des F16 israéliens survolent le village. Il aurait, lors de cette rencontre, exprimé sa compréhension pour le désir de vengeance qui animerait les Phalangistes. Il demande que ce qui avait été convenu avec Béshir Gemayel soit maintenu, en particulier le rôle des Phalangistes à l’occasion de l’entrée des FDI dans Beyrouth-Ouest. Amin Gemayel confirme qu’il connaît les dispositions arrêtées avec son frère, le 12 septembre. Sharon insiste sur la nécessité d’une action immédiate afin « d’empêcher l’établissement de faits nouveaux. » Il rentre ensuite à Tel Aviv.
11H30 : à Tel-Aviv, Begin et Shamir, ministre des affaires étrangères, reçoivent Morris Draper, l’adjoint de Philip Habib, et lui annoncent l’entrée des troupes israéliennes dans Beyrouth ouest pour une opération préventive limitée. Il s’agit d’empêcher le désir de revanche des Phalangistes après l’assassinat de leur chef et la nécessité, à cette fin, de prendre le contrôle des endroits les plus stratégiques de la ville. Cette présentation incite les diplomates américains à conseiller aux autorités libanaises de ne pas impliquer l’Armée libanaise dans les opérations des FDI.
12 H : le premier blessé palestinien  est amené à l’hôpital Gaza. C’est un civil. Il ne cessera plus d’en arriver jusqu’au samedi matin. 80% seront des femmes et des enfants, presque tous sont blessés soit par une arme blanche, soit par une arme à feu ; très peu par des shrapnels.
14 H : à Tel-Aviv, Sharon, à propos de la mort de Béshir Gemayel, diffuse un communiqué repris par Marcus Eliason, le correspondant d’Associated Press : « Le Ministre de la Défense Ariel Sharon, dans un communiqué, a lié l’assassinat à l’OLP, disant : «  il symbolise la criminalité terroriste dont les mains des organisations terroristes de l’OLP et de leurs supporters menacent tous les gens de paix. » A Beyrouth, Yaron s’efforce d’obtenir la participation de l’Armée libanaise dans la prise de contrôle des camps de Beyrouth Ouest. Celle-ci refuse. L’entrée des FDI dans Beyrouth-Ouest rend impossible la poursuite de son déploiement. Les chars israéliens encerclent Sabra et Chatila et pointent leur canon vers les camps. La Cité sportive, qui borde les camps à l’ouest, est également investie et encerclée. Les points de passage sont contrôlés. Dans la ville, les milices musulmanes et de gauche sont désarmées les unes après les autres, sauf les Phalangistes, ce qui déstabilise totalement l’équilibre traditionnel des forces libanaises et constitue une violation du plan Habib. Une ambulance qui se dirige vers l’hôpital Gaza venant du Nord, essuie le feu des soldats israéliens.
17 H : des obus sont tirés sur les camps par les chars israéliens. Ce bombardement dure environ une heure. Des snipers israéliens lui succèdent. Les habitants des camps se sont enfermés chez eux ou dans des abris. 25 blessés sont amenés à l’hôpital Gaza. Personne ne peut entrer ou sortir des camps.
18 H : un groupe d’hommes armés, dont l’identité est inconnue à ce jour, opère à partir de ce moment dans les camps et élimine un certain nombre de personnes. Sa présence est confirmée par de nombreux témoins. Des membres libanais du personnel des hôpitaux Gaza et Akka signalent la présence de miliciens de Saad Haddad (le commandant d’une « armée du Liban sud » totalement au service des Israéliens)  dans le sud de Chatila pendant la nuit de mercredi à jeudi.

dans la soirée : environ 300 personnes se réfugient à l’hôpital Akka


20 H : Drori demande au Colonel Michel Aoun, qui commande les unités de l’Armée libanaise à Beyrouth, d’intervenir auprès du Premier ministre du Liban pour que l’Armée libanaise participe à l’opération dans les camps. M. Shafik al-Wazzan, Premier ministre, refuse. Il ne veut pas que le gouvernement libanais et l’Armée libanaise soient «utilisés comme instruments de la politique d’Israël». L’Armée libanaise vient à peine de se reconstituer. Elle ne peut perdre la confiance des musulmans en se compromettant avec l’envahisseur. Drori rencontre une nouvelle fois les chefs phalangistes pour les informer que l’Armée libanaise ne participera pas au « nettoyage » des camps et pour s’assurer que les Phalangistes opèreront bien dès le lendemain. Il souligne l’importance d’une attitude disciplinée ne mettant pas en péril la sécurité des populations civiles des camps.
24 H : des fusées éclairantes sont tirées sporadiquement au dessus des camps par l’armée israélienne. Des tirs sporadiques sont entendus dans les camps. Peu à peu arrivent des blessés dans les deux hôpitaux qui bordent les camps.

JEUDI 16 SEPTEMBRE 1982


5H30 : des avions de chasse israéliens survolent les camps à basse altitude.
6 H : des tirs sont entendus à l’intérieur du camp de Sabra, près de l’hôpital Gaza. De nouveaux blessés arrivent à l’hôpital Gaza. Les chars israéliens bombardent Chatila, en particulier la partie sud-est du camp appelée Horch Tabet, qui est boisée.
8 H : une accalmie est perceptible à l’intérieur des camps, comme si ceux qui opéraient pendant la nuit s’étaient retirés. Peu après, l’Etat-Major des FDI lance l’ordre n° 6 : «Il est interdit d’entrer dans les camps de réfugiés. Le ratissage et le nettoyage des camps seront effectués par les Phalangistes et l’Armée libanaise. » La radio israélienne diffuse un reportage enregistré la veille depuis l’aéroport de Beyrouth dans lequel un officier phalangiste explique au journaliste israélien la route que ses hommes vont prendre pour rejoindre les camps avec comme objectif de « tuer les terroristes. »
8H30 : une vingtaine de femmes et d’enfants, portant des drapeaux blancs, tentent de sortir de Sabra par le nord. Ils sont refoulés par les soldats israéliens.
10 H : à Tel-Aviv, Eytan fait rapport à Sharon des opérations en cours à Beyrouth ouest : la ville tout entière est sous le contrôle des FDI ; les camps sont bouclés et encerclés. L’ordre règne à Beyrouth ouest. Sharon confirme sa décision de faire entrer les Phalangistes dans les camps.
11H20 : un porte-parole des FDI déclare : « Les FDI contrôlent tous les points névralgiques de Beyrouth Ouest. Les camps de réfugiés qui abritent des concentrations de terroristes restent encerclés et fermés » ; le contrôle total de Beyrouth ouest par les FDI est effectif. Un couvre-feu illimité est imposé par les troupes israéliennes. Pour la première fois, l’armée israélienne occupe une capitale arabe ; la justification a changé : le porte-parole de l’armée israélienne déclare que celle-ci a pénétré dans Beyrouth ouest pour la « nettoyer » des Palestiniens qui y sont cachés et des milices libanaises de gauche. Les troupes israéliennes entrées dans Beyrouth ouest la veille par le passage du Musée contrôlent toute la Corniche Mazraa jusqu’à la mer, isolant du reste de Beyrouth le quartier Fakhani et les camps. Les Phalangistes installent un QG, dans un bâtiment de l’ONU et dans un autre qui appartient à l’Université (Faculté des sciences économiques), en face de l’ambassade du Koweït et à 150 m. du poste de commandement avancé de la 96e Division des FDI. La coordination avec le général Amos Yaron est établie en la personne de Jesse Sokar, officier de liaison phalangiste. Des snipers israéliens, postés sur les hauteurs qui entourent les camps, tirent depuis deux heures sur tout ce qui bouge.
à partir de 13 H : alors qu’aucune action armée ne se manifeste à partir des camps,  pendant cinq heures, ils subissent un bombardement intense de l’artillerie et des blindés israéliens à partir des avenues qui les surplombent à l’ouest comme à l’est. Les chars en position derrière des monticules de terre et de gravas en face de l’ambassade du Koweït et d’autres postés le long de la Cité sportive tirent à bout portant sur les camps, concentrant leurs feux sur la partie sud de Chatila (quartier de Horch Tabet).  Il n’y a aucune réaction armée provenant de Sabra et Chatila.
14 H : cinq hommes, doyens du camp fort respectés, se réunissent et constituent une délégation qui se dirige peu après, munie d’un drapeau blanc, vers les positions israéliennes. Selon un témoin ayant participé à la réunion, ils avaient l’intention d’expliquer aux Israéliens qu’il n’y avait pas de combattants, ni d’armes dans les camps. On retrouvera, près de l’ambassade du Koweït, les corps sans vie de Abou Ahmad Saïd (65 ans), Abou Soueid (62 ans), Abou Mohammed al-Berouani (60 ans) et Abou Mohammed Hechmé (64 ans). Quant au 5e, Abou Kamal Saad, il a disparu. Le bouclage des camps est effectué par des troupes israéliennes. Tous les « check points » sont sous leur contrôle.
15 H : à l’aéroport de Beyrouth, totalement contrôlé par l’armée israélienne, se regroupent des miliciens venus des environs de Beyrouth, mais également de Damour, Saadiyat et Nameh (trois localités où les Palestiniens ont massacré des civils en 1976), d’où ils ont été amenés et rassemblés à Shueifate, sous les ordres de Joseph Edde, un commandant de l’ALS. Des miliciens descendent d’un C130 Hercules israélien. Au même moment, une troupe de l’ALS, qui avait suivi les FDI depuis le sud du pays, arrive à l’aéroport.
16 H : le général Drori et 3 officiers israéliens se rendent au QG des Phalangistes dans le quartier Karantineh et rencontrent Fadi Frem et Elie Hobeika pour coordonner et terminer la préparation de leur action dans les camps. Ils fournissent des photographies aériennes des camps. Frem et Hobeika disent tous deux qu’il y aura « kasach » (mot codé en usage au Liban qui signifie  écraser, raser, découper). Ils informent Drori que c’est Hobeika qui dirigera les opérations. Peu après, quelques centaines de Phalangistes font mouvement, en jeeps et camions, depuis l’aéroport vers les camps. Ils sont accompagnés d’une cinquantaine de soldats de l’ALS. Une signalisation particulière, formée par un cercle dans lequel sont dessinées les lettres MP – signifiant « meeting point » – insérées dans un triangle, trace leur itinéraire. Des engins blindés israéliens les encadrent. La télévision israélienne montrera le convoi passant des « check points » israéliens lors de son émission d’information du samedi soir .
17 H : à Tel-Aviv, Morris Draper, l’adjoint de Habib et Sam Lewis, l’ambassadeur US au Liban,  rendent visite à Sharon, Eytan et Saguy. Ils déplorent l’entrée des FDI dans Beyrouth ouest et la transgression du plan Habib par Israël. Ils apprennent et désapprouvent l’entrée prochaine des Phalangistes dans les camps. Sharon affirme qu’il possède la liste des noms des « terroristes » restés à Beyrouth ouest et que les FDI doivent s’en occuper elles-mêmes. Eytan lui coupe la parole pour revenir sur la nécessité d’empêcher un bain de sang. Sam Lewis reproche également la violation du plan Habib. L’entretien est très orageux.
vers 18 H : un groupe de femmes et d’enfants, Libanais et Palestiniens, sortent de l’hôpital Akka, en bordure de Chatila, et demandent aux Israéliens de cesser les bombardements et les tirs de snipers. Ils sont refoulés vers Chatila par des soldats qui font ensuite rapport à leur hiérarchie. Sans suite.
18 H : Drori téléphone à Sharon : « Nos amis entrent dans les camps. J’ai coordonné leur entrée avec leurs chefs. » Sharon répond : « Félicitations. L’opération de nos amis est autorisée. » Environ 150 Phalangistes se présentent devant les accès sud et ouest du camp de Chatila. Les soldats israéliens ont reçu l’ordre de les laisser entrer. Ils sont accompagnés par des miliciens de l’ALS. Les Phalangistes sont sous les ordres de trois commandants : « Michel », « Maroun » et « Paul ». Ils sont munis d’armes à feu, mais également de haches et de couteaux. Les massacres commencent. Des officiers FDI, du haut du poste de commandement avancé, suivent les opérations dans les camps. Peu après, une femme se présente à l’hôpital Akka et annonce : « des Kataëb ont pénétré dans les camps pour massacrer les gens. ». Des blessés affluent à l’hôpital Gaza. Quelques jeunes Palestiniens, seulement équipés d’armes légères et de quelques roquettes antichars (RPG), tentent de résister.
peu avant 19H : soit moins d’une heure après l’entrée des milices chrétiennes dans les camps, le Lieutenant Elul, un des officiers d’ordonnance de Yaron entend Hobeika recevoir un message lui demandant ce qu’il doit faire avec une cinquantaine de femmes et d’enfants capturés. Hobeika répond : « C’est la dernière fois que tu me demandes cela. Tu sais ce que tu dois faire. » Elul fait rapport à Yaron.
19 H 15 : à la demande de l’officier de liaison phalangiste Jesse Sokar, l’armée israélienne tire des fusées éclairantes au rythme de 2 par minute au moyen de mortiers IDS de 81 mm. Plus tard dans la nuit, l’éclairage nocturne des camps se fera également par hélicoptères. Tous les témoignages rapportent qu’on y voyait comme en plein jour. Un groupe de femmes se dirigent vers des sentinelles israéliennes et expliquent que des massacres sont en cours. Elles sont refoulées. Michel Gerti, journaliste au Ha’aretz, est approché par des soldats israéliens qui lui rapportent ces faits et d’autres similaires. Ils disent qu’ils ont fait rapport et qu’on leur a répondu chaque fois « Tout va bien. » A l’hôpital Gaza, on dénombre déjà plusieurs morts.
19H30-23H30 : à Jérusalem, réunion du Cabinet. Trente-six heures après le début des opérations, Sharon annonce et justifie l’opération « Cerveau de fer » par la nécessité pour les services de sécurité israéliens de trouver les 2.000 « terroristes » restés dans Beyrouth ouest après le départ de l’OLP. Il indique que l’opération consiste essentiellement à prendre le contrôle de 16 points stratégiques de Beyrouth ouest en particulier pour s’assurer le contrôle des « camps de terroristes. » Il signale que l’opération met en œuvre tous les éléments des services de sécurité. Il annonce l’entrée des Phalangistes dans Chatila sans préciser le rôle des FDI. Il indique que les services de sécurité israéliens sont en train de rechercher les « terroristes » dans Beyrouth. Il explique que l’Armée libanaise ne voulait pas obéir à Béshir Gemayel aussi longtemps qu’il n’était pas investi dans ses fonctions et qu’elle attendra les ordres d’un nouveau président avant de sortir de ses casernes. Eytan confirme que la capitale libanaise est entièrement sous le contrôle des forces israéliennes. Il certifie que l’action des Phalangistes est sous le contrôle complet des FDI qui ont arrêté la mission des Phalangistes, définit le mode d’opération, établit les paramètres des opérations techniques et le timing de l’opération. Des capacités d’écoute ont été mises en place sur les lignes des unités opérant dans les camps ainsi que sur la ligne de l’officier de liaison phalangiste. Appelé à donner son avis sur les répercussions de l’assassinat de Bschir Gemayel, Eytan, sans se rendre compte qu’il contredit les assurances données antérieurement à propos des Phalangistes, déclare : « Il va y avoir une convulsion comme on en n’a jamais vu avant. Je peux déjà voir dans leurs yeux ce qu’ils attendent de faire. » Seul le ministre David Levy exprime des craintes à propos de l’entrée des Phalangistes dans les camps, mais ne s’oppose pas à la décision. Le Cabinet publiera le lendemain sa justification de l’entrée dans Beyrouth ouest : « Suite à l’assassinat du Président-élu Béchir Gemayel, les FDI ont pris position dans Beyrouth ouest en vue de prévenir tout danger de violence, de bain de sang et d’anarchie, alors qu’environ 2.000 terroristes, équipée d’armes lourdes et modernes, sont restés dans Beyrouth ouest violant ainsi de manière flagrante l’accord relatif à l’évacuation. »
entre 20 H et 20 H 30 : un message en provenance des camps demande à Jesse Sokar, l’officier de liaison phalangiste, ce qu’il faut faire avec 45 hommes capturés. Sokar répond : « Fais la volonté de Dieu». Un peu plus tard, Sokar, dans le mess du poste de commandement avancé, raconte que « jusqu’à présent, 300 terroristes et civils ont été abattus. » Peu après, il revient sur ce chiffre et annonce que le nombre de victimes est de 120.
20 H 40 : Yaron procède à un point de la situation avec ses officiers. Un rapport lui est présenté par un officier de l’AMAN :  « on a l’impression que le niveau des combats est très faible à l’intérieur des camps » ; « ils n’ont eu que deux blessés légers » ; « d’une part il n’y a manifestement pas de terroristes dans les camps, Sabra est vide,  et d’autre part ils ont rassemblé des femmes, des enfants et sans doute des vieilles personnes et ne savent pas quoi faire avec eux. » Lorsqu’un officier de renseignement demande s’il n’y a pas de dangers pour les civils, Yaron répond : « cela ne va pas les mettre en danger. » Dans les deux hôpitaux, les blessés ne cessent d’affluer depuis 20H. Les patients, une majorité de femmes et d’enfants, sont blessés par balles à la tête, à la poitrine, à l’estomac. Certains sont blessés à l’arme blanche. D’autres, plus rares, ont été blessés par des shrapnels. Dans le même temps, plus de 1.000 personnes se réfugient à l’intérieur et aux alentours de l’hôpital Gaza. Elles se lamentent en criant « Haddad, Kataeb, Israël. » A l’hôpital Akka, 500 personnes se sont réfugiées dans les abris.
22H12 : la radio des FDI annonce que les FDI ont confié aux Phalangistes le soin de « purger » les camps. Les FDI poursuivent l’éclairage nocturne des camps en tirant toutes les deux minutes des fusées éclairantes.
22H30 : l’officier du AMAN auprès de Yaron téléphone à Aley, où se trouve le QG avancé de Drori, et fait part des propos tenus par Jesse Sokar. Son collègue du AMAN lui répond de procéder à des vérifications.
23H10 l’officier du AMAN à Aley informe le QG du AMAN à Tel-Aviv et demande que Saguy soit averti. Le Jerusalem Post reçoit un cable annonçant l’exécution de 300 civils par des Phalangistes opérant dans les camps.

VENDREDI 17 SEPTEMBRE 1982


 A plusieurs reprises, pendant toute la nuit, des réfugiés s’approchent des soldats israéliens stationnés en bordure des camps pour leur expliquer ce qui se passe. Une unité médicale israélienne reçoit même la visite de blessés, dont un bébé de 9 mois qui a reçu une balle dans le dos. Des soldats israéliens entendent les hurlements des victimes. Chaque fois, des rapports sont envoyés à la hiérarchie des FDI. L’éclairage des camps pendant la nuit est à ce point intense qu’il suscite les questions de journalistes auxquelles le porte-parole de l’armée israélienne refuse de répondre. Pendant cette même nuit, des discussions ont lieu sur le toit du poste de commandement avancé israélien entre le Lieutenant-Colonel Bezalel Treiber, officier en charge des opérations de la 96eDivision et Jesse Sokar d’une part et entre Amos Yaron et Elie Hobeika d’autre part, à propos du comportement des Phalangistes à l’égard des civils palestiniens.
 5H30 : à Tel-Aviv, au QG du AMANle Lieutenant-Colonel Moshe Hebroni, officier d’ordonnance de Saguy, prend connaissance du rapport relatif aux 300 tués dans les camps. Ce rapport est remis à ce dernier une heure plus tard.
6H :  quand le jour se lève, les amoncellements de cadavres sont parfaitement visibles depuis les positions israéliennes autour des camps.
 7H30 : Moshe Hebroni transmet le rapport sur les 300 personnes tuées à Avi Dudaï, secrétaire de Sharon.
 7H50 : A Tel-Aviv, Ze’ev Schiff, le spécialiste militaire du quotidien israélien Ha’aretz, est informé qu’un massacre a lieu dans les camps. Il tente de vérifier l’information auprès de plusieurs contacts au sein de l’Etat-Major général, mais en vain. Uri Avneri, président du Conseil pour la Paix Israël-Palestine, publie un communiqué accusant Sharon de vouloir, sous couvert d’une opération militaire, détruire les camps de réfugiés de Beyrouth ouest comme cela a été fait dans le Sud Liban près de Tyr et de Sidon.
 8 H : dans le quartier de Chiyah, à l’est de Chatila, des habitants libanais déclarent que les soldats de l’ALS contrôlent chaque carrefour ; un grand nombre de soldats et d’officiers israéliens qui encerclent les camps sont informés des massacres en cours : ils ont reçu de multiples indications de la part de témoins et ils peuvent, par eux-mêmes, observer ce qui se passe dans les camps et voir les cadavres qui s’entassent ; le lieutenant Grabowski est personnellement témoin du massacre d’un groupe de femmes et d’enfants. Lorsqu’il demande à un milicien pourquoi les chrétiens tuent des femmes et des enfants, il lui est répondu : « Les femmes donnent naissance à des enfants et les enfants deviennent des terroristes. » Lorsque Grabowski veut faire rapport, il en est dissuadé par ses soldats qui ont entendu le commandant du bataillon répondre à d’autres rapports du même genre « Nous savons, cela ne nous plaît pas, n’intervenez pas. »
Les troupes israéliennes achèvent le quadrillage de la ville et entament une chasse à l’homme. Les rafles de militants de gauche libanais et de civils palestiniens suspectés d’être des cadres de l’OLP se multiplient. Les 200 Palestiniens arrêtés sont conduits au stade de la Cité sportive qui borde Chatila où ils retrouvent ceux qui y ont été amenés des camps voisins par les Phalangistes. Ceux-ci procèdent à un tri, puis, en présence de soldats israéliens, soit exécutent, soit conduisent leurs prisonniers vers des destinations inconnues.
 9 H : Haddad arrive à l’aéroport de Beyrouth et se rend à BikfayaUn responsable du CICR à Beyrouth, Peter Cume, téléphone au représentant du Ministère israélien des affaires étrangères à Beyrouth et signale que la veille en soirée, un millier de personnes s’étaient réfugiées à l’hôpital Gaza . Devant l’hôpital Akka, un soldat israélien remet à une jeune infirmière palestinienne de 19 ans, Intisar Ismail, une note qu’elle devra donner aux soldats qui vont venir contrôler les occupants de l’hôpital.
 10H20 : des miliciens, s’exprimant avec un fort accent du Sud-Liban, approchent de l’hôpital Akka. Un médecin palestinien, le Dr Sami et des collègues sortent de l’hôpital munis d’un drapeau blanc. Les miliciens lancent une grenade sur le groupe qui tue trois personnes. Intisar Ismaïl remet aux miliciens la note donnée peu avant par le soldat israélien. Elle est immédiatement emmenée dans les sous-sols de l’hôpital où elle est violée à de multiples reprises avant d’être martyrisée au point que seule sa bague permettra de l’identifier.
 10H45 : une voiture de l’ambassade de Norvège parvient aux abords de l’hôpital Akka et conduit le personnel norvégien au CICR, à Hamra, un quartier de Beyrouth Ouest. Une assistante sociale de cette équipe parvient, dans l’après-midi, à se rendre à l’hôpital Gaza et à expliquer que le personnel libanais et palestinien est en danger.
 11 H : Schiff fait part de ses informations à Mordechai Zipori, Ministre des Communications, qui les transmet au Ministre des Affaires Etrangères, Yitzhak Shamir. Celui-ci n’y donne aucune suite. A Beyrouth, au poste de commandement avancé des FDI, Drori entend un rapport de Yaron qui exprime son « malaise » (an uneasy feeling ») à propos du comportement des milices chrétiennes. Tous deux décident d’ordonner aux Phalangistes de cesser toute activité et de rester sur place. Yaron transmet aux Phalangistes l’ordre de cesser les opérations et de quitter les camps le lendemain matin à 5 H., mais il fournit en même temps de nouvelles cartes et photos aériennes à Fuad Abu Nader, officier phalangiste en charge des opérations qui vient lui annoncer qu’une seconde force est prête à opérer dans les camps. Drori informe Eytan que les Phalangistes « ont été trop loin». Eytan annonce son arrivée à Beyrouth. Des journalistes tentent d’entrer dans Chatila et sont refoulés par les Phalangistes.
13 H : avec l’accord de Yaron, qui revient ainsi sur ses instructions de 11 H, des jeeps emmènent 150 phalangistes de l’aéroport aux camps. A peu près au même moment, entre 400 et 500 personnes ont réussi à s’échapper de Sabra et à se cacher dans une école en bordure de la Corniche Mazraa où les FDI ont installé leur périmètre Nord de fermeture des camps. A Tel-Aviv, le Lieutenant-Colonel Reouven Gay, directeur du département de la sécurité nationale au Ministère de la Défense, téléphone à Avi Doudai, secrétaire particulier de Sharon pour l’informer des massacres. A cette heure, il est certain que le cabinet du Ministre de la Défense est informé des massacres. Ce qui ne suscite aucune réaction.
15 H : Drori intervient une nouvelle fois et sans succès auprès de l’Armée libanaise pour obtenir sa participation à la prise de contrôle des camps. A l’aéroport de Beyrouth,  Ron Ben-Yishai, journaliste, correspondant militaire de la télévision israélienne, qui a observé les mouvements de troupes phalangistes et entendu de leur part, avec force gestes à l’appui, leur volonté de tuer sans pitié les habitants des camps, apprend d’un officier israélien que des massacres ont déjà été perpétrés. Il filme les deux régiments phalangistes qui se préparent à partir pour les camps. Ses images seront diffusées sur la télévision israélienne le samedi soir.
15H30 : Eytan arrive à l’aéroport de Beyrouth où il fait le point de la situation avec Drori. Ils sont rejoints par Yaron. Eytan ne réagit pas aux rapports qui lui sont faits sur ce qui se passe dans les camps.
vers 16 h :  la diplomatie américaine à Beyrouth et Tel-Aviv est informée par des journalistes de la présence des Phalangistes dans les camps. Un peu plus tard, contacté par Morris Draper, Amin Gemayel confirme et annonce le départ prochain des Phalangistes hors des camps. Au carrefour de l’ambassade du Koweït, un officier israélien explique au correspondant de l’Agence de presse Reuters, Paul Eddle, que « l’armée israélienne ne doit pas s’impliquer, mais que les camps doivent être purifiés». Le journaliste du Time Magazine Robert Suro constate qu’il n’y a aucune riposte venant des camps aux tirs des chars et des soldats israéliens. Il observe des miliciens phalangistes approvisionnés en nourriture par des soldats israéliens. Peu après, ces journalistes sont chassés du carrefour de l’ambassade du Koweït par les FDI. Les pellicules des photographes sont saisies.
 16H30 : au QG  des forces phalangistes, à la KarantinehEytan, Levi, Drori et Yaron font, dans la bonne humeur, le point des opérations avec le commandement des Phalangistes (Fadi Frem, Zahi Bustani, Fuad Abu Nader, Joseph Abu Halil et Elie Hobeika). Eytan  « exprime son impression positive du comportement des forces phalangistes sur le terrain »  et n’évoque pas ce qui lui a été rapporté à propos des exactions des milices chrétiennes. Au contraire, il exprime sa satisfaction. Selon certaines sources, il aurait même adressé ses félicitations. En tout état de cause, avec les encouragements du Mossad, Eytan autorise le maintien des Phalangistes jusqu’au lendemain 5H. Bien plus, il marque son accord sur l’entrée de nouvelles troupes phalangistes et accède à la demande de jeeps supplémentaires et de bulldozers. Il n’est plus question de l’ordre donné à 11 H, le même jour.
17H45 : la colonne des deux régiments phalangistes, complétée de bulldozers, entre dans les camps et massacre un groupe de femmes et d’enfants qu’elle croise dès son arrivée. Les bulldozers commencent à détruire des maisons ; du personnel médical évacué de l’hôpital Akka peut les voir en train de pousser des cadavres. Au même moment, les 400 à 500 personnes qui s’étaient réfugiées dans une école près de la Corniche Mazraa apprennent que des miliciens de Haddad avancent dans leur direction. Prenant peur et arborant un drapeau blanc, ils se dirigent vers les lignes israéliennes. Comme le passage leur est interdit, ils protestent. Avec l’appui d’un char et en les menaçant de leurs armes, les FDI les refoulent vers Sabra. Un infirmier pakistanais, qui se trouvait au 5e étage de l’hôpital Gaza est abattu par les balles d’un sniper. Suite aux informations données par l’assistante sociale norvégienne de l’hôpital Akka évacuée le matin, le personnel libanais et palestinien de l’hôpital Gaza est invité à quitter la zone aussi vite que possible. Eytan quitte Beyrouth pour sa ferme en  Galilée où il va fêter le nouvel an juif.
 18 H : Yaron est informé par le Colonel Yair, commandant la brigade de para-commandos que des femmes et des enfants s’enfuient des camps par le Nord et font état de massacres et d’atrocités. D’autres rapports signalent que les Phalangistes emmènent des hommes, des femmes et des enfants, par camions, hors des camps. Yaron ordonne que les Phalangistes restent dans les camps jusqu’à leur départ, le lendemain à l’aube. Morris Draper fait part au représentant du Ministère israélien des Affaires étrangères à Beyrouth de la protestation du Premier ministre libanais, M. Shafik al-Wazzan, à propos d’exactions commises par des Phalangistes dans Beyrouth ouest.
 21 H : Sharon, qui s’est retiré dans sa ferme dans le Negev, reçoit un appel de Eytan. Selon Sharon, Eytan lui aurait dit que les Phalangistes « sont allées trop loin. » Selon Eytan, il a seulement signalé que la mission des Phalangistes était terminée. Les deux sont d’accord pour reconnaître qu’Eytan a indiqué que les Phalangistes devaient quitter les camps le lendemain à 5H.
21H50 : Sharon reçoit un appel de l’officier de garde au Ministère de la Défense. Il lui est annoncé que des soldats de l’ALS se trouvent à Beyrouth ouest et que deux d’entre eux ont été tués par des soldats des FDI en bordure de Chatila. Il ne réagit pas. Au contraire, il considère que les FDI ayant fait preuve de fermeté avec des soldats alliés, il n’y a pas lieu de s’inquiéter.
 23H30, Saron reçoit de Beyrouth un appel de Ron Ben-Yishai qui lui rapporte des relations d’officiers israéliens relatives à des massacres de civils dans les camps. Il ne réagit pas.
SAMEDI 18 SEPTEMBRE 1982
 Pendant cette troisième nuit de terreur, dans les camps, des bulldozers ont rasé des maisons avec leurs habitants déjà massacrés ou encore en vie. Ils se sont employés à rendre un maximum de maisons inhabitables. A l’aube, ils ont commencé à creuser des charniers.
 5H : le délai fixé par Yaron pour le départ des massacreurs n’est pas respecté. Aucune réaction des FDI.
6H30 : les milices chrétiennes s’emploient à vider les camps de leur population encore en vie ; un groupe de Phalangistes et de soldats de l’ALS entre dans l’Hôpital Gaza ; de nouveaux contingents de soldats phalangistes pénètrent dans Chatila.
 7H30 : 18 Occidentaux, un Syrien et deux infirmiers palestiniens appartenant au personnel médical de l’hôpital Gaza sont arrêtés. Un Palestinien est abattu. Le médecin syrien l’est également un peu plus tard. Les autres sont conduits à travers les deux camps. Chemin faisant, ils voient des centaines de cadavres. Ils voient aussi des centaines de personnes (hommes, femmes, enfants, vieillards) rassemblées sous la garde des milices chrétiennes. Peu avant la sortie de Chatila, ils croisent des bulldozers portant Aleph, la première lettre de l’alphabet hébraïque. A l’extérieur du camp, ils sont interpellés agressivement (êtes-vous chrétiens ou êtes-vous communistes ? des chrétiens ne soignent pas les Palestiniens…vous êtes des communistes, des membres de la bande Bader-Meinhof …) par un groupe de miliciens portant un béret noir. Ils peuvent voir 40 à 50 Phalangistes entrer dans les camps sous la supervision des soldats israéliens. Ils sont conduits près de l’ambassade du Koweït. En accord avec des officiers israéliens, les Phalangistes les obligent à enlever leur tablier blanc qui les identifie comme personnel médical et les distingue des combattants. On leur prend leur passeport. Ils subissent ensuite un interrogatoire musclé, puis sont envoyés au poste de commandement avancé israélien. Un médecin – le Dr David Grey – reçoit ensuite, d’un officier israélien, un laisser passer rédigé en hébreu et, sur l’insistance du Dr Grey, ensuite en arabe, lui permettant de retourner à l’hôpital Gaza. A ce moment, des Phalangistes tentent d’abuser d’une infirmière norvégienne. Il suffit d’un mot de l’officier israélien pour que les Phalangistes passent leur chemin, ce qui montre bien qui était aux commandes. Après avoir séparé les hommes valides parmi les centaines de personnes sorties des camps, les Phalangistes conduisent certains soit vers des camions stationnés aux entrées, soit vers le stade de la Cité sportive. Sur intervention d’un officier israélien, les femmes et les enfants sont invités à rentrer chez eux. Les milices chrétiennes reçoivent peu après l’ordre de quitter les camps. L’hôpital Akka est en feu.
 à partir de 8 H : avec trois heures de retard sur l’horaire convenu et sans que ce retard ait suscité des réactions israéliennesles Phalangistes commencent à sortir des camps.
à partir de 8H30 : les premiers journalistes et photographes entrent dans les camps. Une vision d’horreur s’offre à eux. Ils découvrent des corps de femmes et de jeunes filles ligotées, jupes retroussées et jambes écartées, qui ont été violées avant d’être égorgées ; à certaines, on a coupé les seins ; ils découvrent des femmes enceintes éventrées avec leur bébé étranglé, des hommes parfois jeunes alignés devant le mur où ils ont été abattus, des enfants et des vieillards devant la porte de leur maison, des familles tuées devant la télévision ou dans leur chambre, ou autour de la table, pendant le repas ou dans les abris où ils avaient cherché refuge;  les mains d’une femme tiennent encore sa carte d’identité libanaise ; d’autres femmes ligotées ont eu les doigts tranchés, certains ont eu les membres tranchés à coups de hache avant d’être achevés ; des hommes ont été émasculés ; beaucoup de cadavres sont mutilés ; des crânes ont été fracassés à la hache ; des bébés, le crâne écrasé, ont été jetés sur des tas d’ordures parmi des canettes de rations C US et des bouteilles de whisky vides. Des familles entières – parfois plus de 30 personnes – sont décimées. Dans d’autres cas, un témoin est laissé en vie « pour qu’il raconte », lui a-t-on dit. Des grenades dégoupillées ont été placées sous certains cadavres et menacent de tuer les parents encore en vie. Des morceaux de corps émergent de maisons détruites par les bulldozers, d’autres de fosses mal comblées. Même des chevaux ont été abattus. Les récits des survivants sont hallucinants. L’état de décomposition des cadavres laisse apparaître que les premières victimes remontent à la nuit de mercredi à jeudi et que les dernières ont été tuées le samedi matin. Les visiteurs ne trouvent pratiquement aucune trace de combats, sauf près de la mosquée de Sabra.
L’écrivain français Jean Genet, qui séjournait à Beyrouth, est parmi les premiers à se rendre dans les camps. Il décrira l’horreur de ce qu’il a découvert dans un texte devenu célèbre sous le titre « Quatre heures à Chatila. »
vers 9 H : des diplomates, dont l’Ambassadeur de France Paul-Marc Henri et un Américain, entrent dans les camps avec des représentants suisses du CICR et des journalistes de plus en plus nombreux. Ils découvrent l’ampleur des massacres. M. Henri ne peut retenir ses larmes.
10 H : les derniers miliciens quittent les camps. Morris Draper adresse à Sharon, via le représentant du Ministère israélien des affaires étrangères à Beyrouth, le message suivant : « Vous devez arrêter le massacre. C’est horrible. J’ai un représentant dans les camps qui compte les corps. Vous devriez avoir honte. La situation est absolument effroyable. Ils tuent des enfants. Vous avez le terrain complètement sous votre contrôle et vous êtes en conséquence responsable pour cette zone. »
12 H : à Tel-Aviv, un porte-parole des FDI déclare « nous ignorons tout de ces prétendus massacresIl n’y a aucune présence israélienne dans les camps mêmes».
13 H : Sharon répond à Draper que les Phalangistes ont quitté la zone des camps. Cette information n’est pas correcte puisque miliciens phalangistes et de l’ALS sont encore présents à l’intérieur de la Cité sportive où ils côtoient des soldats et des agents des services de renseignements israéliens. Pendant une partie de la journée, après avoir été interrogés dans le stade par des soldats israéliens qui usent de la menace de les rendre aux Phalangistes, un grand nombre de prisonniers sont embarqués par ces derniers dans des camions partant vers des destinations restées inconnues jusqu’à ce jour. On retrouvera, dans la Cité sportive, les corps de prisonniers ligotés. L’officier israélien en charge des interrogatoires à la Cité sportive,  le Colonel Naftali Bahiry, a nié la présence de ces éléments phalangistes dans un stade qui était sous le contrôle exclusif de l’armée israélienne. Cette présence a cependant été constatée par bon nombre de survivants, par le personnel de l’hôpital Gaza qui y a été conduit, par des journalistes et par des diplomates occidentaux.

DIMANCHE  19 SEPTEMBRE 1982


Comme la veille, les FDI procèdent, dans le stade du Cercle sportif, à des vérifications d’identité ainsi qu’à des interrogatoires de tous les Palestiniens âgés de 14 à 60 ans amenés des camps ou du reste de Beyrouth où les opérations de ratissage et les perquisitions se poursuivent. Ces interrogatoires sont parfois accompagnés de simulacres d’exécution. Le résultat principal de ces interrogatoires, et le Colonel israélien Bahiry le confirmera, c’est qu’on n’a pas trouvé trace des « 2.000 terroristes » invoqués par Sharon pour envahir Beyrouth ouest.
Alors que le monde entier découvre l’ampleur de la boucherie et commence à s’indigner, tous les porte-parole officiels israéliens tiennent un discours identique : Israël ainsi que l’ALS sont totalement étrangers aux massacres.
A Beyrouth, Amin Gemayel déclare à Navot qu’il ne comprend pas la mise en cause des Phalangistes par le gouvernement israélien. Eytan, Drori et Navot rencontrent  l’adjoint de Fadi Frem, An Tuan Baridi, dit Toto, et lui indiquent la nécessité de récupérer rapidement toutes les armes se trouvant dans les camps. Ils suggèrent aux Phalangistes une explication des massacres basée sur la perte de contrôle des troupes. Les Phalangistes refusent d’endosser la responsabilité des massacres. Lors d’une conférence de presse, Eytan déclare « Nous n’avons pas donné d’ordre aux Phalangistes et nous ne sommes pas responsables pour eux…Les Phalangistes ont été se battre dans les camps selon leurs propres règles… »

Dans Beyrouth ouest, des miliciens de l’ALS  mettent à sac le siège du Parti Socialiste Progressiste.


A Tel-Avivà deux reprises pendant la journée, des manifestations spontanées rassemblent des centaines de pacifistes israéliens qui demandent la démission de Begin et de Sharon. Amnon Kapeliouk rapporte que le professeur Epstein, âgé de 80 ans, déclare aux journalistes : « J’ai honte d’être Israélien après ce qui s’est passé à Beyrouth. Cela me rappelle trop les nazis qui ont emmené les Ukrainiens au ghetto pour massacrer les Juifs. » Les manifestants sont dispersés avec violence par la police.
Alors qu’il a soutenu l’invasion du Liban et a fait le tour du monde pour justifier l’action des FDI au Liban, à l’origine des massacres, Shimon Peres, leader de l’opposition travailliste, trouve opportun, aux informations télévisées, d’appuyer les revendications des manifestants.
Le gouvernement Begin, réuni à 22 H, déclare que le massacre a été perpétré par une « unité libanaise » qui s’est infiltrée dans les camps « par un accès éloigné des positions des FDI. » Il affirme que « dès que les FDI ont été informées de ce qui se passait dans les camps, elles ont mis fin à l’assassinat de civils innocents et ont forcé l’unité libanaise à quitter le camp. » Il rejette toute idée de responsabilité des FDI, une accusation qui constitue, selon le communiqué, « une calomnie sanglante contre l’Etat juif et son gouvernement», qu’il considère comme sans fondements et « rejette avec mépris. » Begin déclare : « des non-Juifs ont tué des non-Juifs et ce sont les Juifs qu’ils accusent » ( « Goyim kill Goyim and they accuse the Jews»).
A New Yorkle Conseil de Sécurité de l’ONU « condamne le massacre criminel de civils palestiniens à Beyrouth».
Source: Jenna
SOURCE : INVESTIG'ACTION

Quand l'Occident Viole Le Droit International!

« Je crois que la plupart de ceux qui m’ont critiqué veulent détourner l’attention de deux choses : premièrement, du problème des livraisons d’armes au Proche-Orient qui ne laisse aucuns doutes. L’Amérique, la France, l’Angleterre et l’Allemagne fournissent des armes au Proche-Orient », indique le journaliste.
Par ailleurs, selon lui, ses critiques comptent détourner l’attention du fait que son interview détruit la vision des choses proposée par le « mainstream » qui simplifie la crise syrienne. La réalité est pourtant toute autre, souligne Jurgen Todenhofer. Il explique également que ses critiques ont utilisé des arguments très faibles pour dénoncer son interview syrienne.
« Je dois dire — et c’est très important pour moi — que le soutien apporté aux insurgés par les pays occidentaux est une violation du droit international. C’est la même chose que mener une guerre d’annexion, c’est un crime de guerre », déclare le journaliste.
Ainsi, Jurgen Todenhofer compte soulever une question sensible. Le journaliste veut que ses concitoyens réfléchissent. Et si l’Allemagne était confrontée à des insurgés soutenus par des livraisons d’armes de la part d’un autre pays ?
Sputnik | 07.10.2016

Le Gabon : l’Algérie française d’Afrique équatoriale

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Hasard ou préméditation, tous les « dictateurs africains » n’apparaissent comme tels que lorsqu’ils s’attaquent à des multinationales. Ali Bongo est devenu, le temps d’une élection, le pilleur intolérable de l’économie gabonaise. La technique a été utilisée contre Laurent Gbagbo qu’on accusait d’employer les enfants dans les plantations de cacao ou Obiang Nguema dont la famille est sans cœur en Guinée équatoriale…


Pourquoi Ali Bongo est visé
J’ai entendu, sur les ondes d’une radio française, Antoine Glaser justifier les hésitations de Hollande à intervenir militairement au Gabon, entre autre, par le fait que le Gabon aurait perdu d’importance stratégique pour la France. Il n’y a pas plus grandes contre-vérités que cette affirmation. Dans le système gaulliste, les anciennes colonies françaises d’Afrique constituent encore l’un des axes majeurs de la diplomatie française. Aucune des sœurs africaines de Marianne (les « Mariannettes » d’Afrique) n’a perdu d’intérêt géostratégique pour la France. Le système Foccart organisé autour de la trilogie « surveiller, intervenir et punir » reste encore très fort. Elf n’existe plus, mais Total assume avec fierté l’actif et le passif de sa défunte sœur qui était devenue encombrante pour la France. L’ajustement de sa politique africaine pour en dissimuler sa vraie nature est un art consommé pour les Gaulois. C’est le Président Laurent GBAGBO qui s’était opposé à son ami, Robert Bourgi, sur la nature exacte de la conférence de Brazzaville de 1944. Le premier y trouvait là un ajustement organisationnel de la politique coloniale française quand le second qualifiait cette conférence de prémices d’une décolonisation française. En 1990, on a applaudi le discours de la Baule qui va se révéler n’être qu’une opération de recépage pour mieux rajeunir l’arbre du dispositif colonial en Afrique. 5 ans après la guerre de la France en Côte d’Ivoire, la crise électorale au Gabon rappelle que l’héritage colonial est loin d’être liquidé. La France n’entend pas quitter son pré-carré africain, en tout cas, pas de gré. L’issue de la crise gabonaise sera à la faveur de celui qui aura, au bout de négociations sécrètes, donné plus de garanties à la France quant à ses intérêts sauf si le peuple gabonais en prend conscience et oblige, une fois pour toutes, la France à liquider la succession gaulliste dans ce pays. Il leur faudra pour cela beaucoup de larmes et de sang comme en Algérie. Puisque, dans les faits, le Gabon est français, tout comme l’Algérie fut française, parce que, comme Houphouët en Côte d’Ivoire, Léon Mba lui aussi, a pleuré la rupture des fiançailles avec l’époux français avant de se réjouir à nouveau lorsque, grâce à Foccart, le fiancé gaulliste a accepté le concubinage avec ses courtisanes africaines. Or, dans les relations de concubinage, le concubin n’a aucun devoir vis-à-vis de la concubine. Il lui soutire les délices pendant des belles nuits, la nourrit de l’illusion d’un amour profond, lui administre quelques corrections lorsque la concubine se montre un peu réticente, ou lorsqu’elle cherche à se remettre dans un ménage sérieux avec un autre partenaire. C’est la caricature des relations franco-africaines que Pierre Biarnès, ancien correspond du journal le Monde pour l’Afrique décrit de façon lapidaire en ces termes : « consolider le pouvoir des dirigeants qui jouaient loyalement le jeu de l’amitié franco-africaine et faire sentir le mors à ceux qui regardaient un peu trop dans d’autres directions ; contrer en même temps les visées des puissances concurrentes dès qu’elle étaient jugées menaçantes ». Jouer le jeu de l’amitié franco-africaine, c’est ne pas titiller les multinationales qui sont les vrais détenteurs du pouvoir politique en France dans leur exploitation du Continent. Sinon l’on devient Laurent GBAGBO qui employait les enfants dans les plantations de cacao, Obiang Nguema dont la famille est sans cœur en Guinée équatoriale, Ali Bongo devenu, le temps d’une élection, le pilleur intolérable de l’économie gabonaise. Hasard ou préméditation, tous les « dictateurs africains » n’apparaissent comme tels que lorsqu’ils s’attaquent à des multinationales.
I/ Laurent Gbagbo contre les chocolatiers
Le 26 octobre 2000, Laurent GBAGBO devient Excellence le Président de la République Laurent GBAGBO, après sa victoire contre Robert Guei. Le jour même de sa prise de pouvoir, il est confronté à une terrible campagne médiatique par rapport à un charnier découvert à la lisière de la forêt du banco. Ce montage grossier alimente longtemps la presse internationale pendant toute la première année du mandat du nouvel élu ivoirien malgré le jugement rendu par le tribunal militaire qui s’était soldé par une relaxe des gendarmes accusés dans cette affaire. Alors que le nouveau gouvernement ivoirien tentait de contrer cette première médisante offensive médiatique, une autre campagne encore plus féroce s’annonce déjà dès la fin du premier trimestre 2001. Dans cette dernière campagne de dénigrement, le nouveau dirigeant ivoirien, qui occupe les fonctions de Président de la République depuis seulement à peine 6 mois, est accusé par un rapport de l’ONU d’employer des enfants dans les plantations de cacao. De tueur d’opposants, le Président Laurent GBAGBO passe également pour un esclavagiste d’enfants. La presse impérialiste, conditionnée à cette fin, se montre particulièrement féroce contre lui. Coïncidence hasardeuse ou calculée, ce rapport sort tout juste quelques jours après qu’un redressement fiscal de plus de 400 milliards de FCFA en provisoire ramené définitivement à 106 milliards de FCFA a été opéré par les services de l’inspection des finances sur l’entreprise SACO, filiale ivoirienne du géant suisse Barry Callebaut. Le redressement a été porté à la connaissance du groupe le 3 avril 2001. Juste quelques jours après, l’on découvre que la Côte d’Ivoire, leader mondial du cacao, emploie des enfants dans les plantations ivoiriennes. Le gouvernement ivoirien mettra plusieurs années et un trésor d’énergie pour se laver de cette image absolument falsifiée pour ceux qui connaissent un tout petit peu la sociologie ivoirienne. Dans la réalité, cette campagne suscitée par le géant chocolatier visait deux objectifs :
– Primo, détourner l’attention de l’opinion sur la fraude grossière à laquelle s’était livrée la multinationale dont le chiffre d’affaire annuelle dépasse de plusieurs fois le budget de la Côte d’Ivoire. En effet, l’opinion suisse à qui l’on donne une certaine vertu morale accepterait mal les pratiques mafieuses de l’un de ses fleurons économique dans un pauvre pays d’Afrique.
– Secundo, punir le gouvernement ivoirien qui n’a pas cédé aux pressions corruptives exercées sur lui pour faire tomber ce redressement. Gbagbo a osé tenir tête à un des patrons du cacao du monde, il faut qu’il en paie le prix.
Pourtant, la fraude organisée au niveau de Société Africaine du Cacao (SACO) dirigée au moment des faits par un certain Seydou Elimane Diarra PDG du groupe SACO-CHOCODI relève des pratiques mafieuses. En effet, dans le système de commercialisation du cacao, les fèves de cacao de mauvaise qualité (moisissure, gains de petite taille etc.) donnent droit à une décote fiscale à celui qui les exporte. L’Etat renonce à lui appliquer la totalité des droits uniques de sortie et les droits d’enregistrements. Les lots de ces produits sont taxés de moitié pour permettre à l’exportateur de conserver une bonne marge bénéficiaire. C’est une sorte de prime pour encourager les exportateurs qui prennent le risque d’exporter ces produits sous grade. Malheureusement, SACO qui achète ce produit et le transforme partiellement en pâte avant de l’exporter va, en complicité avec certains cadres ce qui restait encore de la fameuse CAISTAB, déclarer comme sous grade une bonne partie de son cacao exporté. Elle bénéficie donc d’abattement fiscal pour du cacao supposé sous grade alors que, en fait, il s’agit de cacao de première qualité. Cette fraude dure 10 ans de 1990 à 2000. Malheureusement pour l’administration fiscale, la prescription d’assiette en matière de droit de l’Enregistrement est de 5 ans. En d’autres termes, l’administration ne pouvait plus réclamer les impôts qu’elle n’a pas réclamé pour les années 1990, 1991, 1992, 1993, 1994. Elle s’est contentée de réclamer à l’entreprise SACO que les 5 dernières années. Ce qui donne le montant final de 106 milliards de FCFA grossièrement détournés par une société dirigée par un Ivoirien au profit d’une multinationale. Peut-on dire qu’il s’agit d’un simple hasard quand le nom de Seydou Diarra s’est retrouvé dans la poche française des premiers ministrables à la fameuse réunion de Kléber après le hold-up de Marcoussis. Dis-moi qui sont tes amis, je te dirai qui tu es. Malheureusement, cette pratique mafieuse d’exportation de bon cacao en cacao sous grade va refaire surface à partir de 2004 après les évènements de novembre 2004. Les résultats de l’enquête diligentée par le Président Laurent GBAGBO en 2008 en marge de l’instruction au pénal du vol présumé dans les structures de gestion café-cacao, seront bloqués par des personnes insoupçonnées qui avaient juré fidélité ad vitam aeternam au Président Laurent GBAGBO et que l’on retrouvera, en pole position, du côté de la rébellion du Golf. Complices avérés des multinationales, ces personnes ont eu du mal à prendre une direction autre que celle que leur a indiquée leurs partenaires dans la fraude pendant la crise, c’est-à-dire, le camp de la fraude. Toutes les multinationales cacaoyères qui ont financé la rébellion contre la Côte d’Ivoire sont mouillées dans cette fraude mise en place à partir de 2004.
II/ Obiang contre les consortiums pétroliers européens.
Le 3 Août 1979, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo renverse par coup d’Etat son oncle Francisco Macias Nguema. Il prend alors la tête d’un des pays les plus pauvres du monde. Eparpillée sur deux iles et sur une partie continentale, ce petit pays, ancienne colonie espagnole, l’unique d’ailleurs du Continent africain pour respecter le traité de Tordesillas du 15ème siècle qui partagea le monde entre les deux principales puissances de l’Epoque l’Espagne et le Portugal, la Guinée Equatoriale est, à cette époque, un coin du monde abandonné. Pour survivre, les Equato-Guinéens sont obligés d’aller chercher pitance dans la sous-région équatoriale, qui au Gabon, qui d’autre au Cameroun, les deux voisins avec lesquels ce pays partage une frontière terrestre, ou un peu plus loin, au Congo ou au Nigéria. En tout cas, c’est un pays sans ressources en plus d’être de gestion très difficile à cause de sa configuration. En effet, les deux îles qui composent le pays se situent à plusieurs centaines de kilomètres de la partie continentale. L’ile d’Annobon, située non loin des eaux territoriales angolaises se situe à un fuseau horaire de plus que le reste de pays. Pour ne pas arranger les choses, le colon espagnol n’y a laissé pour seul héritage solide que la seule foi catholique. Aucune infrastructure sociale sérieuse n’existe ni à Malabo, la capitale insulaire, ni à Bata, la capitale continentale. L’infrastructure scolaire correspondant au niveau le plus élevé est un lycée situé à Malabo. Pour sortir du pays par avion, les Equato-Guinéens étaient obligés de s’enregistrer d’avance sur une liste et lorsque le nombre de voyageurs atteignait le chargement d’un avion-cargo militaire, une compagnie espagnole leur envoyait un avion de transport de troupes militaires pour les faire voyager. Le nouvel homme fort du pays entreprend de faire des explorations. Même s’ils sont les damnés des Espagnols, il croit fermement que la nature ne peut pas, à son tour, les avoir condamnés. En effet, pourquoi alors que les eaux continentales Gabonaises dans son flanc oriental, nigérianes dans son septentrion et de l’Angola dans son Midi regorgent de grosses réserves de pétrole, celles, plus étendues de la Guinée Equatoriale en seraient-elles dépourvues ? Le Président Obiang se lance dans la prospection pétrolière dans les eaux territoriales guinéennes. Il confie, par réflexe naturel de tout colonisé, l’exploration à une société espagnole. Un permis d’exploration est concédé à cette dernière. A l’expiration de la concession, l’entreprise dit n’avoir rien découvert mais paradoxalement demande une prorogation de la concession. Ce que le patient Obiang renouvelle. A la fin de cette seconde concession, toujours rien, et l’entreprise espagnole demande un autre renouvellement de son permis d’exploration une troisième fois. Le Président Obiang trouve la démarche de l’entreprise espagnole suspecte. Celle-ci ne peut pas investir à perte et vouloir continuer d’investir. Il la soupçonne de lui cacher des choses surtout que, dans le même temps, le Président Obiang est informé des manœuvres de déstabilisation de son régime que mènent secrètement les services espagnols pour le compte de son opposant Severo Moto Nsa, exilé en Espagne. Le Président Obiang refuse de renouveler sa confiance au groupe espagnol. Il fait appel à un petit groupe américain qui va découvrir l’immensité des réserves pétrolières de 2 milliards de barils ainsi que des volumes impressionnant de gaz que les espagnols tentaient de cacher à Obiang. Le premier baril du pétrole est exploité en 1993. Depuis lors, tous les grands groupes pétroliers américains se sont donné rendez-vous dans ce qui était, jadis, considéré comme un pays abandonné. Les USA y ouvrent même une ambassade. A quelques mètres du village Bioko, naissent les premiers signes de la modernisation du petit maudit pays d’Afrique Equatoriale. Le Punto Europa, village moderne construit et habités par les travailleurs occidentaux du pétrole donne une allure de ville à Malabo. Mais les Espagnols, victimes de leur propre turpitude, ruminent leur colère et leur vengeance contre le Président Obiang. Dès 1995, le Président Obiang, que tous ignoraient, est devenu subitement un dictateur à abattre. Les media européens et les fameux défenseurs des droits de l’Homme surgissent comme des champignons après une première pluie. L’Espagne s’associe aux autres puissances européennes pour chasser le Président Obiang du pouvoir. Des pieds nickelés montent une opération d’envergure en 2004, une opération qui implique un certain Mark Thatcher qui n’est autre que l’enfant de Margaret Thatcher, Première femme Premier ministre d’Angleterre qui a formé avec Reagan le duo de charme de l’ultralibéralisme des années 80. Le coup consiste à chasser Obiang qui serait remplacé par son opposant historique mis au frais en Espagne. Le coup échoue grâce au Président Robert Mugabe du Zimbabwe dont les services ont eu vent. En effet, l’avion qui transportait le gros lot des mercenaires recrutés par le barbouze sud-Africain Mann Simon décolle d’ Harare pour déverser sa cargaison de criminels internationaux à Malabo. Le Président Mugabe informe son homologue équato-guinéen qui monte un comité d’accueil très musclé pour recevoir ces visiteurs indélicats. Ceux-ci seront cueillis à l’aéroport de Malabo pendant que le bénéficiaire politique de cette opération, l’opposant équato-guinéen qui avait déjà décollé de ses bases espagnoles dans un jet privé affrété à cette occasion, était encore dans les airs. Le coup foiré, l’entreprise médiatique de destruction de l’image d’Obiang prend de l’ampleur. Une lugubre association se crée pour porter plainte en France contre les Obiang pour biens mal acquis. Il faut dire que le comportement des enfants Obiang apporte de l’eau au moulin de leurs détracteurs. A la différence du père qui est très sobre, l’ainé des Obiang affiche un appétit immodéré pour le luxe. Ses sorties tapageuses en France, entre ses hôtels particuliers de luxe et ses grosses cylindrées, militent fortement contre le père qui a pourtant changé, en très peu de temps, l’infrastructure économique de la Guinée Equatoriale au point de jalouser un certain Bongo père, puis fils. Les relations entre ces deux pays voisins (Gabon et Guinée Equatoriale) vont vite se dégrader suite à un contentieux frontalier à forte odeur de pétrole finalement remporté par la Guinée Equatoriale. Les nombreux ennuis politico-judiciaires des Obiang en Europe montrent la ténacité de la rancune des anciens colonisateurs envers leurs anciennes colonies qui cherchent partenaire ailleurs. Si jusque-là l’Espagne n’a pas eu la peau du Président Obiang, c’est surtout grâce à la protection américaine. Tout le pétrole équato-guinéen est exploité par les grandes firmes américaines, Exon, Chevron, Mobil etc. Malheureusement, si cette amitié américaine le protège, l’exploitation du pétrole équato-guinéen n’échappe pas à la prédation. Profitant de la faiblesse de l’administration fiscale du pays, les multinationales américaines s’adonnent à d’énormes fraudes. Un travail fait par un cabinet international commis par le gouvernement équato-guinéen a débouché sur un rappel historique de plusieurs milliards de dollars américains. La fraude s’organise autour d’une double comptabilité, de la minimisation des quantités de pétrole vendues, d’une interprétation biaisée de la législation fiscale du pays. Le dossier est entré en phase de négociation politique. Il y a très peu de chance que les montants appelés dans le cadre de ce redressement fiscal soient payés au Trésor équato-guinéen. Ainsi souffrent les petits pays d’Afrique en face de la mafia financière des multinationales. C’est certainement ce qu’Ali Bongo va apprendre à ses dépens.
3/ BONGO contre ses anciens alliés
La dynastie Bongo règne sur le Gabon depuis pratiquement un demi-siècle. La gloire dès Bongo a commencé le 2 décembre 1967 lorsque Bongo père hérite du Gabon au décès du père fondateur : le vieux Léon Mba. Il s’appelle alors Albert-Bernard Bongo, ancien officier de l’armée française reconverti à la politique où il occupe le poste de Vice-Président du Congo du 12 novembre 1966 au 2 décembre 1967 dans l’attente de la mort quasi-certaine de Léon Mba. Son règne s’arrête naturellement suite à son décès survenu le 8 juin 2009, soit exactement 41ans, 6 mois et 6 jours. Son long règne est la contrepartie des offrandes faites par le Gabon à la France à travers son empire politico-financier ELF.
Le sort du pétrole gabonais a été scellé, pourrait-on dire, après les accords d’Evian du 18 mars 1962 qui ont mis fin à la guerre franco-algérienne, et ouvrirent en même temps la voie de l’indépendance de l’Algérie. La France voulait une Algérie française non pas seulement pour les belles plages ensoleillées de d’Alger et d’Oran, ou les belles falaises à la vue panoramique envoutante de Constantine mais, également pour son sous-sol très riche en pétrole. Dans les négociations sécrètes d’avant les accords d’Evian et même après, De Gaulle a tenté d’imposer le contrôle français sur le pétrole algérien en vain. L’échec de ses négociations secrètes plaça le Gabon au centre des intérêts stratégiques français. Au Gabon, la France n’a pas besoin de forcer la main à Léon Mba qui est plus francophile que De Gaulle lui-même. Il a été un militant ardent de la communauté française de 1958. A la dissolution de fait de cette communauté, Léon Mba avait proposé un schéma institutionnel franco-africain de même nature que le Commonwealth. Dans ce schéma, l’autorité du Président Français s’étendrait sur l’ensemble de ses anciennes colonies africaines qui seraient alors gérées par des premiers ministres, comme cela se fait entre le Canada, l’Australie, la nouvelle Zélande et la Couronne d’Angleterre. Il avait même proposé à cet effet que le drapeau tricolore apparaisse en filigrane sur les drapeaux des pays africains nouvellement indépendants. Donc, au Gabon, la France est chez elle. Dans la nuit du 17 au 18 février 1964, le vieux Léon Mba est déposé par une poignée d’officiers de l’armée. Mais ils hésitent à placer un homme à la tête de l’Etat, et attendent l’instruction de Paris. Jean-Hilaire Obame, ancien ministre des affaires étrangères est placé, malgré lui, à la tête d’un gouvernement éphémère. Finalement, Paris décide de réinstaller le vieux Léon Mba apeuré et affaibli et au pouvoir. Il est coaché comme un novice par Paris qui tente de le rassurer. A cet effet, Foccart dépêche auprès du vieil homme ses meilleurs éléments pour le soutenir. En 1966, Albert-Bernard Bongo est placé en embuscade par la France pour assurer la transmission du pouvoir entre le vieux cheval mourant Léon Mba et le nouvel étalon français, Bongo. Opération réussie à 100%. Depuis le 2 décembre 1967, El Hadj Oumar alias Albert-Bernard Bongo assure les intérêts français au Gabon et dans la sous-région. Ayant échappé à la vague des conférences nationales de 1990 et ayant succédé à Houphouët à la tête de l’empire Franco-RDA, Omar Bongo installe durablement et profondément son pouvoir au Gabon. Pour ce faire, il s’entoure, à partir des années 90, de trois mousquetaires tous tirés du giron familial.
Feu Mba Obame, ministre de l’intérieur. La rumeur le présente comme un enfant naturel d’Omar Bongo.
Jean Ping, ministre des affaires étrangères et époux de Pascaline Bongo, donc gendre du Président de la République.
Ali Bongo, ministre de la défense, enfant légitime du Président Bongo, donc oncle maternel des enfants Ping.
A la mort d’Omar Bongo, Ali Bongo sort vainqueur de la bataille fraternelle pour le contrôle de l’Etat qui l’a opposé à Mba Obame. Il est élu, sinon nommé par Sarkozy comme Président de la République, face à Mba Obame, qui avait été le réel vainqueur de cette confrontation fraternelle.
Entre temps, la découverte du pétrole en Guinée Equatoriale ouvre les yeux des Gabonais sur l’immensité du tort qui leur a été causé par le cartel Bongo-ELF. Obiang donne une véritable leçon de l’utilisation de l’argent du pétrole aux dirigeants Gabonais. En moins de 10 ans, la Guinée Equatoriale se métamorphose grâce à la manne pétrolière. Là où les dirigeants gabonais justifiaient l’absence d’infrastructures routières dans le pays par la densité de la forêt équatoriale, leurs voisins équato-Guinéens, enveloppés par la même forêt équatoriale, par ailleurs confrontés à des défis géographiques plus élevés, parsèment leur pays d’infrastructures routières modernes. Les hôtels de Luxe sortent de terre. Bata et Malabo font rêver les Librevillois. Oyala, la ville ultra moderne sortie de terre avec une université du futur en plein cœur de la forêt équatoriale, fait rougir de honte les dirigeants gabonais. Le nouveau chef de l’Etat, Bongo fils, entend changer le cours du destin de son pays confisqué par le fait de son propre père et de la France. Pour se faire, il n’a d’autres choix que de s’attaquer à certains tabous. Le rappel à l’ordre sous forme de contrôles fiscaux que le gouvernement gabonais opère sur les entreprises pétrolières françaises n’est pas du goût de Paris. La tête de Bongo est mise à prix. Or, cette tête ne coûte plus très cher pour trois raisons.
D’abord, 50 ans d’exercice du pouvoir par la famille Bongo a érodé définitivement l’estime du peuple pour l’actuel chef de l’Etat.
Ensuite, comme le fils Obiang, Ali Bongo a suffisamment étalé le faste de la famille Bongo en France.
Enfin, Ali Bongo n’est arrivé au pouvoir que par la seule volonté française.
L’élection de 2016 sonnait d’emblée comme un chant de hibou qui annonce le crépuscule des temps Bongo. Ali devrait perdre même s’il gagnait. C’est comme cela que marchent les amitiés franco-africaines. Elles ne résistent pas à l’épreuve du changement. Pourtant Ali n’avait pas d’autres choix que d’opérer quelques changements afin de réparer l’énorme préjudice que son père a fait subir au peuple gabonais.
Le peuple lui-même l’entendrait-il de cette oreille ? Rien n’est moins sûr.
Wait and see.
Source: Le Journal de l’Afrique no.25Investig’Action

Les Etats-Unis devront-ils aussi payer pour leurs crimes en Irak?

L’Arab project in Iraq, un groupe de lobbyistes irakiens dirigé par Najeh al-Meezan, va demander au Parlement de Bagdad de voter une loi permettant aux Irakiens de réclamer des compensations aux Etats-Unis pour les «exactions » commises dans leur pays par les troupes américaines, les contractors et les escadrons de la mort créés par la CIA.
 Les Etats-Unis ont envahi l'Irak en 2003.
L’initiative prise par l’Arab project in Iraq fait suite au vote de la loi JASTA (Justice Against Sponsors of Terrorism Act), le 28 septembre dernier, par les deux chambres du Congrès US. Cette loi permet notamment aux familles victimes des attentats du 11 septembre 2001 d’engager des poursuites contre l’Arabie saoudite « soupçonnée » d’avoir aidé les pirates de l’air ayant écrasé leur avion sur les tours du World Trade Center (15 des 19 terroristes étaient de nationalité saoudienne). Le nom du prince Bandar, alors ambassadeur d’Arabie à Washington, proche de George W. Bush et de Dick Cheney, est cité dans les 28 pages, déclassifiées en juillet 2016, du rapport de la Commission d’enquête sur les attentats.
En 2007, l’Opinion Research Business (ORB) a estimé à 1 220 580 le nombre des victimes civiles en Irak, actualisant l’étude de chercheurs de l’Université Johns Hopkins – publiée un an plus tôt par le journal médical britannique The Lancet – qui en avait décompté plus de 600 000. Au-delà de labataille sur le nombre d’Irakiens tués, on imagine le nombre de procès qui pourraient être intentés contre les Etats-Unis.
Le président Obama avait opposé son véto à la promulgation de la loi JASTA, arguant qu’elle «aurait un impact néfaste sur la sécurité nationale des Etats-Unis». Elle pourrait en effet conduire des fonctionnaires américains devant les tribunaux alors qu’ils jouissent d’une immunité judiciaire partout où les Etats-Unis interviennent militairement. Elle ne le met pas non plus à l’abri de poursuites judiciaires pour les assassinats qu’il ordonne via ses drones tueurs.
Pression de l’opinion publique et campagne électorale obligent, le Congrès a confirmé son vote, mais a laissé entendre qu’il pourrait y apporter quelques modifications plus tard. On devine lesquelles…
En attendant, l’Arab project in Iraq s’est engouffré intelligemment dans la brèche ouverte par la loi JASTA. Les députés irakiens suivront-ils ? Les agents américains qui peuplent le Parlement de Bagdad sont sans doute déjà à l’œuvre pour enterrer le projet que Najeh al-Meezan entend déposer.